jeudi 20 septembre 2012

20 : SATISFACTIONS CITADINES

VALENT-ELLES PLAISIRS NOMADES ? 
  


 

Un plan en main, nous partons visiter la ville. Bichkek est une ville dessinée à l’équerre. Le centre organisé autour de la grand place Ala-Too, est quadrillé de larges avenues parallèles ou perpendiculaires qui servent de fils conducteurs. Nous apprenons vite leurs noms à force de les parcourir : Moskovskaïa, Toktogoul, Kievskaïa et Tchouï suivent les latitudes du sud au nord, et Manas, Togolok Moldo, Erkindik sont collées sur les longitudes d’ouest en est. A l’est, Sovietskaïa a perdu son nom au profit d’Abdrakhmanov, mais la population russe majoritaire ici s’obstine à la nommer comme autrefois. 
Comme vous le voyez, les fils conducteurs sont aussi ceux des tramways que nous n'emprunterons pas.

 Togolok Moldo, dont une rue porte le nom, est poète et "manaschi".
Un manaschi est un conteur capable d'improviser des heures durant sur l’Épopée de Manas.

C’est encore l’été, c’est presque l’automne, la température est idéale, beaucoup moins chaude qu’à notre arrivée. Les rues sont animées, les habitants en tenue légère, les parterres fleuris à foison. Y-a-t’il plus de parcs ou plus de bâtiments ? Comme Douchanbé au Tadjikistan, cette capitale d’Asie Centrale est très aérée, très soignée, arborée et colorée.  


Sur la place Ala-Too, Manas tourne le dos au musée Historique.
A vous aussi qui contemplez l'autre moitié de la place.


Nous commençons par la Poste pour acheter quelques timbres en souvenir. Les employées et les clients se concertent pour nous combler, et nous proposent tous les timbres en cours et tous les timbres périmés qui traînent dans les tiroirs. Tout le monde est parfaitement satisfait de nos acquisitions.




L’opéra est un temple grec majestueux d’où s’échappent des vocalises de cantatrice. Pour le fun d’une soirée mondaine en Asie Centrale, nous aurions bien aimé assister à une représentation, mais dommage, rien n'est programmé avant le concert d'un guitariste la semaine prochaine. Nous nous serions peut-être ennuyés, nous sommes plutôt satisfaits d'y échapper.




Les grooms aimables ne nous interdisent pas l’accès du hall de l’hôtel Hyatt Regency où nous faisons figure de péquenots dans un luxe feutré au goût sûr, digne de ses cinq étoiles. Le décor vaut un musée moderne dans lequel les clients chics et distingués ne sont pas du tout pittoresques. C’est nous qui le sommes, mais par décence et bonne éducation ils ne nous le font à aucun moment remarquer. A la sortie les grooms sont à nouveau très aimables. Sommes-nous satisfaits d'être ainsi considérés ?

Dans le grand parc Dubovy, ombragé de chênes centenaires, les sculptures pullulent. Tout Bichkek est peuplé de statues, mais ce parc en regorge. Bien que les thèmes soient multiples, le guide conseille de rendre visite à deux stars de l’Histoire soviétique en confrontation apaisée, mais j’ai oublié lesquels car nous ne les avons pas rencontrés. Pour vous en faire une idée, imaginez Engels et Gorki, ou bien Marx et Pasternak. Non pas ce dernier, nous aurions été trop satisfaits de sa revanche sur l'Histoire.



Puis c’est le Musée Historique qui ferme au nord la place Ala-Too. Derrière ses harmonieux parterres fleuris, tout de marbre blanc, il sert d’écrin lumineux à la statue de Manas qui le domine de haut. Les collections sont bien présentées et attractives, depuis les pétroglyphes mieux perceptibles qu’à Tcholpon-Ata jusqu’aux fresques soviétiques des plafonds, standardisées mais colorées et toujours stimulantes (il faut dire que c’était leur but).
Un jeu d’échec somptueux met en scène les armées impériales opposées, conduites par Napoléon 1er et Mikhaïl Koutouzov. Personne ne sait si l’on joue Austerlitz ou la Bérézina, et c’est assez satisfaisant bien que nous n’ayons aucune susceptibilité à ce sujet.





La Maison Blanche est à la fois palais présidentiel, siège du gouvernement, et du Parlement. Le calme y est absolu, c'est sans doute que tout le monde travaille. Pour les citoyens, ce doit être un gage de satisfaction... 



Le très grand magasin Tsoum ( ЦУМ ), "magasin central universel", reliquat russe, est une caverne d’Ali Baba aussi variée que le bazar. Il paraît en partie privatisé. De fait, nous y marchandons les écharpes de soie, les sacs, les chaussons que nous rapporterons en cadeaux. La commerçante qui n’a pas de mal à convaincre Yvon d’acheter une tenue de nomade matelassée en prévision de l’hiver, va me teinter une écharpe à la demande dans l’orangé exact que je choisis. Délestés de nos économies, sans plus de crainte de les égarer, nous sommes satisfaits de ne pas alourdir pour autant notre barda (surtout moi).

A la sortie du magasin, voilà le premier policier qui s’intéresse à nous ! Ce contrôle d’identité nous semble de pure forme : la photocopie des passeports suffit, nous prétendons qu’ils sont restés à « l’hôtel ». Ce qui est faux, mais je ne veux pas renouveler mes expériences avec la police tadjike, qui me menaçait de confiscation. Nous précisons que  notre agence est « La Maison du Voyageur ». Je suppose que le policier ne comprend pas ces mots, mais il nous sourit et nous abandonne satisfaits sur le trottoir.

Une autre statue de Manas est particulièrement appréciée des pigeons, satisfaits de jouer les aigles sur son bras tendu. Je crois que le bâtiment qu'il défend est la salle de concert de l'orchestre philharmonique. Je n'en mets pas ma main au feu... 
PS : J'ai vérifié, c'est bien elle.



Nous avons déjeuné, à la kirghize, sur les estrades extérieures de la tchaïkhâné Djalalabad. Les chachliks, brochettes de viande ou de volaille, sont la spécialité réputée à juste titre de l'établissement. La crème fraîche épaisse et sucrée, servie dans une petite assiette, me rappelle mon enfance avec délice. Je ne suis pas seulement satisfait, j'adore !

 Dans la tchaïkhâné Djalalabad, service "halal" : pas de bière !




Nous dînons, à l’occidentale, chez « Kent » à l’angle de la place Ala-Too. L’agneau, maigre et caramélisé, est excellent ! Je choisis du chocolat en dessert, et une tablette noire, entière et nue, arrive prédécoupée dans une coupelle… Le chocolat sans artifices est toujours très satisfaisant pour les papilles.



Devant la "maison de thé" Djalalabad, 
les samsy, petits chaussons de viande cuisent au four, plaqués sur les parois.


Je vous invite à retourner lire le chapitre du 9 septembre : "La route de la soie". J'ai complété le compte-rendu du livre de Lisa Vitturi, et reçu une portrait plus évocateur pris là-bas.


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