mercredi 12 septembre 2012

12 : CETTE ICÔNE

EST UN LAC

Pendant la nuit, Yvon a hébergé dans son lit une chatte qui a mis bas sous les couvertures en toute discrétion. Quatre petits chatons qui ne semblent pas faire plaisir du tout à Nazira…




La route défile en minibus, et nous nous arrêtons pour déjeuner dans un vrai restaurant à Naryn. Ça ne vaut pas le petit boui-boui de Baetov, car c’est forcément plus impersonnel, et nous n’avons là aucun emploi de séducteur patenté…
Le repas est bon et copieux, mais je subis un traumatisme psychique très perturbant, alors que la bière me saoule et devrait me valoir une sérénité détachée des aléas de ce monde. C’est peut-être le cas car j’encaisse sans trop vaciller une révélation à laquelle rien ne m'a préparé.


Les mantys

Je m'explique : après les salades variées, qui sont tout à fait délicieuses avec quelques petits morceaux de bœuf un peu fumé, je commande des mantys, ou "gros raviolis" cuits à la vapeur. Ce sont des sortes de chaussons plus gros qu’un œuf de poule qui se mangent ici quatre par quatre. Je les aime bien même si je sais qu’ils contiennent, mélangée aux oignons et aux condiments, de la viande de mouton en tous petits dés : les petits dés ont en effet la capacité de franchir mon gosier sans haut- le-cœur.
Mais là, assis à cette table, sans ménagement, on m’assène que les mantys sont moelleux parce qu’ils contiennent aussi des morceaux de... gras de mouton !
Vous savez que « gras de mouton » dans mon cerveau égale « phobie ».  
Grâce à la bière et grâce à une grande maîtrise de la déglutition, je réussis à ingurgiter mon troisième manty, mais c'en est trop, le quatrième est exilé dans l’assiette d’Yvon. Je me suis vanté de cette ingestion héroïque dans un mail, et Marie-Hélène y a vu un témoignage de difficile survie qui l’a logiquement inquiétée !



A Kochkor, nous quittons nos compagnons de route, et dénichons immédiatement une voiture particulière pour atteindre le lac Yssyk köl. En route le chauffeur se mue en chamelier, et nous propose de photographier les trois chameaux de Bactriane qui remplaceraient avantageusement sa voiture.





Le lac nous accueille fastueusement, couronné de crêtes enneigées sur sa rive opposée. Dans mon atlas personnel depuis toujours ce lac est une icône. Nous sommes hypnotisés.
Nous en oublions le harnais du chariot dans la voiture qui disparaît !




Le ciel jaunit à l’occident, notre feu flambe, notre thé est salé de l’eau du lac. Il se met à pleuvoir quand nous entrons dans nos duvets.



Le lac Yssyk köl est une mer intérieure, longue de 182 km, large de 60 km et profonde de 668 mètres. Il est situé dans une faille entre deux chaînes des Monts Célestes, à 1606 mètres d’altitude. Il a plusieurs caractéristiques intéressantes, dont au moins une fascinera chacun d'entre vous. Je les énumère !

Il est endoréique, c’est-à-dire qu’il n’a pas de déversoir (comme la mer d'Aral par exemple).

Poissonneux et légèrement salé, il est alimenté par des sources chaudes et ne gèle jamais.
  
En zone interdite aux étrangers à l’époque soviétique, il servait aux tests des torpilles de la flotte, et, malgré les mines d'uranium de sa rive sud, était la destination préférée des nomenklaturistes, la villégiature des cosmonautes au repos, le lieu idéal pour les sanatoriums.



 Selon la légende, on ne doit pas s’y baigner car il abrite un monstre abyssal !
Ni les autochtones, ni les chercheurs de trésors ne s'y risquaient.
Non, sur la photo, ce n'est pas le monstre.
Ce n'est pas moi, non plus. Alors qui ?

Un peu d'archéologie (pour les amateurs) :
Sur sa rive nord, le site de pétroglyphes de Tchopon Alta témoigne de son occupation préhistorique. Vous allez les découvrir bientôt avec nous.
Une cité scythe immergée, datant du 2ème millénaire BC,  livre peu à peu ses trésors, mais le palais de Tamerlan reste à découvrir, s'il a existé. Nous n'avons vu ni l'une, ni l'autre.
Un monastère arménien, dépositaire des reliques de Matthieu l'évangéliste, figure sur d'anciennes cartes vénitiennes authentifiées.
C'est de ses rives que la peste noire a disséminé ses ravages jusqu'à l'Europe et l'Extrême Orient, au XIV ème siècle, favorisée par les puces des caravaniers. J'ai fait tout mon possible pour ne pas y réintroduire de puces en désinfectant ma maison avant mon voyage, après le passage d'un chien catalan...




J'ai, pour ma part, un faible pour une information plus prosaïque :
Selon les analyses génétiques, c’est le berceau du tout premier cultivar de pommier. Ce qui fait que toutes les variétés de pommes que vous mangez sont issues d'un pommier de la région. Pour preuve le nom de l'ancienne capitale du Kazakhstan, toute proche, Almaty, signifie "riche en pommes". En effet, nous avons bien bénéficié  de la production prolifique des bords de routes qui nous ont nourris.



Altitude des quatre grands lacs du Kirghizistan :
Lac de Toktogul : 873 mètres
Yssyk köl : 1606 mètres
Song köl : 3016 mètres
Chatyr köl : 3530 mètres

La transcription en français diffère selon les textes car les noms russes et kirghizes ne sont jamais identiques : Issyk-Koul d'après le russe Иссык-Куль, ou Yssyk-Köl d'après le kirghize Ысык-Көл.
De plus la transcription est souvent anglaise sur les cartes et les guides : Chatyrköl au lieu de Tchatyrköl pour Чатыркөл.




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