J'EN AI DÉJÀ DEUX EN FRANCE !
J'avais promis de vous guider dans le bazar, mais voilà, je m'y perds... Même Yvon s'y perd !
De toutes façons, je n'ai pas trop d'illusions, je ne suis pas vraiment sûr que vous y fassiez vos courses demain.
J'en profite pour préciser que "bazar" est un mot persan, alors que "souk" est un mot arabe.
Ne pas confondre !
Pour les couturières, les machines de leurs grands-mères.
On n'a pas fait mieux !
J'ai pris plein de photos dans le quartier des bouchers !
Mais je fais un tri sévère pour ne pas vous dégoûter.
Ainsi vous n'avez droit ni à la photo des pieds de porc, ni à celle des globes oculaires.
La manucure pose pourtant gentiment derrière ses pieds de porc.
Pour ma part, je ne savais pas qu'il fallait leur rogner les ongles, et brosser les sabots.
Quant aux globes oculaires, mets de choix entre tous, qui honore l'invité,
nous étions prévenus qu'il valait mieux les gober d'un coup pour éviter les nausées...
Mais, à les voir sur leur étal, je crois qu'ils ne passent pas par mon gosier !
A cause de leur taille, ça va de soi.
La charcuterie et les charcutières sont victimes d'ostracisme, reléguées à l'écart.
C'est que nous sommes dans un pays musulman, aussi tolérant soit-il.
A Bichkek, la communauté russe orthodoxe est très nombreuse,
et les charcutières sont toutes blondes, comme les blés en Ukraine.
Les stands sont bien pourvus, et les saucissons délicieux.
Nous voyant passer, il nous a invités pour un verre de koumis,
et un pain tout chaud sorti du four du boulanger qui s'active de l'autre côté de la ruelle.
Il a 59 ans, selon le passeport soviétique qu'il a conservé amoureusement.
Dommage, la photo est floue, j'ai trop zoomé, ne voulant pas l'importuner.
Fraises et framboises se vendent au seau.
Nous avons acheté la plus petite bassine de fraises
pour comparer avec celles de Roscoff qui sont les meilleures au monde.
Je dois avouer que celles-ci les valaient comme le promettait leur aspect impeccable :
fraîches, fermes et parfumées !
Devant les framboises, les argouses !
Ce soir-là nous étions invités chez le colonel qui nous avait reçus à Tcholpon-Ata. Il voulait nous présenter sa famille, et nous initier à la gastronomie kirghize. Il est venu nous chercher "chez nous" en voiture pour nous emmener dans une banlieue résidentielle éloignée. Nous allons faire connaissance avec sa femme, l'une de ses filles et son petit-fils.
Le lionceau avec son grand-père.
Le miel dans sa coupelle, très réputé, vient d'Och, région d'origine de la famille
située près de la frontière, où un quart des habitants est d'origine ouzbèke.
Quand je demande si nos hôtes sont ouzbeks, ils disent non, puis "un peu",
et avouent que c'est une source de difficultés.
Le voyage se termine, le journal se termine, je deviens paresseux, je recopie le mail qui racontait cette soirée :
"Hier soir la réception
avait lieu chez le colonel de police trois étoiles.
C’est comme ça
pour nous : on s’arrache les deux français qui ont traversé la Kirghizie à
pied, à travers les
montagnes avec une brouette.
Vous avez
compris que le héros, c’est la brouette ! Aussi sommes-nous
dans l’obligation morale d’arriver avec tout notre équipement dans ce carrosse.
Madame la
colonel a aussi un grade dans la police, comme deux de ses filles et son fils,
mais j’ai oublié lequel. Je l’appelle
Marina, c’est plus simple, et ça nous met à l’aise.
Cette émouvante photo d'Aslan a été prise par Yvon.
Je le précise car vous auriez cru que je voulais un souvenir du... tapis.
Le colonel et
Madame ont deux grandes tapisseries sur le palier. Ce ne sont pas des vues
de Gstaad pour une fois, ce sont leurs
propres portraits en tapis noué trois fois plus grands que nature. Il faut entrer
dans les maisons chics pour voir ça. C’est un peu ma
faute si j’ai dû visiter toutes les pièces parce que je m’étais mis à retourner
les tapis de l’entrée et du salon, pour prouver que je m’intéressais au cadre de vie d’un colonel.
Vous ne faites
pas ça quand vous êtes invités pour la première fois ?
A vrai dire, c’est
assez excitant, le fait d’être français vous donne tous les droits : les français
retournent les tapis pour compter les points au cm2, eh bien, c’est la preuve d’un
savoir vivre à imiter ! Donc, nous n’avons
aucun scrupule pour tout ce qui peut satisfaire notre curiosité...
Marina prépare un gulchataï :
vous voyez les rectangles de pâtes
qui vont cuire mélangés aux légumes et à la viande de cheval.
Très appétissant et délicieux !
Madame m’a
servi du cheval, mais j’ai eu le temps de dire que j’étais végétarien, ouf !
J’avais déjà dit que je ne fumais rien, ne buvais rien, et ne prenais aucun
médicament. Pour eux c’était un peu difficile à comprendre... Quand c’est difficile à comprendre, on suppose qu’il y a des nuances de
langage inaccessibles, on passe à autre chose.
Ici, au pays des
chevaux, on les mange, c’est très très prisé !
J’ai eu un
morceau quand même pour y goûter (nuance de langage), et c’était mille fois
meilleur que prévu, donc j’ai un
peu regretté, mais pas tant que ça car les autres morceaux étaient un peu gras
ou cartilagineux.
J’ai descendu
le pot de miel avec Yvon, et la confiture cassis-abricot aussi : là, c'était chacun son pot. Ici on sert le
sucré avant le salé, et nous on mélange à tour de bras.
Je ne mange pas
tout le sucré d’un coup avant d’avoir vu en quoi consiste le salé, de peur d’avoir
l’estomac trop plein ou de souffrir de mon allergie inexpliquée. Il faut un
minimum de précautions pour bien se tenir à table, même quand on est français.
D’autant qu’avant
de m’asseoir, mon verre de cognac kirghize était déjà plein et qu’il avait
fallu ensuite trinquer à la vodka (c’est bien le
cognac qui est kirghize, oui, et le verre est chinois).
Pendant ce
temps Yvon en a vidé quatre, au moins : je n’ai pas pu finir de compter, en douce le
colonel remplissait mon verre de muscat (qui aurait eu l’idée de compter ?)
On boit tout ça
avec du thé. La pastèque fait passer la vodka (qu’ils disent).
Nous buvons la
vodka, mais nous savons que les melons du Takla-Makan sont les meilleurs du
monde, nous
choisissons plutôt les melons (mais sur la vodka, quel est l’effet ?
).
Vous le croirez
si vous voulez, mais pour me consoler (de quoi ?), le colonel m’a
offert la bouteille de vodka de ses 50 ans ! Yvon en a eu
une aussi, Marie-Hélène, ne soit pas jalouse !
Si vous voulez,
vous le croirez, nous avons très bien dormi après avoir été ramenés chez nous
en voiture.
J’ai été
photographié avec un bébé qui s’appelle Aslan (le Lion), pour faire
croire que j’avais un fils kirghize (c’est eux qui le disent), et me faire
chanter (c’est moi qui le dis, ils sont trop gentils).
Un rien, et ça
les fait rire à gorge déployée."
Quelle générosité ! Nous en sommes comblés.