dimanche 19 août 2012

19 : LES PREMIERS HOMMES

... C'EST NOUS !





D’un instant à l’autre, le climat change avec autant de brusquerie que la courbe de notre ascension, qui alterne passages rocheux verticaux et douces prairies alanguies, quand ce ne sont pas lacs laiteux et enchâssés dans leurs berges chaotiques. Nous suivons des sinusoïdes accentuées, qui se succèdent de droite à gauche et de bas en haut sans préavis. 


Quand le soleil tape, nous plongeons dans l’eau qui "bout" à 4,6° : comme vous voyez, c’est très précis en température. Curieusement, cela donne une impression d’ébullition sur la peau, et de fait, « c’est l’idée qu’on s’en fait ».  C’est un peu bizarre, ces phrases stéréotypées... Je veux dire qu’il ne faut pas y faire attention (aux 4°6), et… ne pas s‘y éterniser (dans l’eau).  



Quand la pluie nous inonde sous un ciel noir et figé, puis tourne en grêle, nous patientons debout et immobiles. Ruisseler nous sape le moral, et les jambes se figent. Pourquoi ? A vrai dire, je ne sais pas pourquoi, si ce n’est que nos pantalons collent aux genoux. Au bout d’un moment nous refusons de prendre racine, et sommes récompensés de ce sursaut par une accalmie ensoleillée.

Si nous n’avons plus la curiosité de regarder le ciel en fin de journée, c’est que nous ahanons dans un magma de roches en éboulis où le sentier zigzague et se perd. C'est notre énergie qui s'y perd !

C'est bien moi sur cette photo prise par Yvon.

En ce moment, le cirque des glaciers se dessine à nos yeux, et nous faisons des constatations de géologues (j'occupe mon cerveau pour oublier le poids du sac) : si nous nous fions au front des moraines, tous les glaciers ont considérablement reculé !



Evidemment, aucun mètre carré horizontal et meuble n’attend notre tente en cet endroit. Notre intuition nous pousse vers un surplomb sur le flanc gauche, où le site idéal comble tous nos espoirs. A l'écart, abritée du vent par une falaise d’éboulis, une esplanade circulaire de terre craquelée, laissée là par une mare d’eau claire, nous offre un confort quatre étoiles. De ce belvédère nous contemplons le panorama grandiose de dix glaciers alignés. Je me persuade que nous y sommes les premiers campeurs depuis le pléistocène, le site est vierge. Et notre humanité fragile fait face aux forces explosives de la Nature.
Décidément, j'occupe encore mon cerveau.


Il y a de quoi rêver, mais nous ne pouvons chômer, la réalité nous rattrape : après avoir monté la tente, nous nous acharnons à récolter, pour notre feu de camp euphorisant, des racines sèches que nous arrachons à coups de pied. Nous en remplirons… la chemise d’Yvon, et elles auront le mérite insigne de faire bouillir assez d’eau pour une thermos de thé brûlant et deux plats (nombre exceptionnel) : spaghetti bolognaise, et crème anglaise !!!. 


A peine le soleil couché, nous allons nous endormir emmitouflés.   
 Nous sommes sous le col, à 3647 mètres d'altitude. 
Tous ces chiffres si précis sont dus à Yvon, ça va de soi.

1 commentaire:

  1. Je me demandais effectivement ou vous trouviez votre combustible au dessus de 2000m (plus trop d'arbres).
    Il semble qu'il ne faisait pas très chaud le soir si il fallait même sortir les gants.

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