D’un instant à l’autre, le climat change avec autant de
brusquerie que la courbe de notre ascension, qui alterne passages rocheux
verticaux et douces prairies alanguies, quand ce ne sont pas lacs
laiteux et enchâssés dans leurs berges chaotiques. Nous suivons des sinusoïdes accentuées, qui
se succèdent de droite à gauche et de
bas en haut sans préavis.
Quand le soleil tape, nous plongeons dans l’eau qui "bout" à
4,6° : comme vous voyez, c’est très précis en température. Curieusement, cela donne une impression
d’ébullition sur la peau, et de fait, « c’est l’idée qu’on s’en
fait ». C’est un peu bizarre, ces
phrases stéréotypées... Je veux dire qu’il ne faut pas y
faire attention (aux 4°6), et… ne pas s‘y éterniser (dans l’eau).
Quand la pluie nous inonde sous un ciel noir et figé, puis
tourne en grêle, nous patientons debout et immobiles. Ruisseler nous sape le
moral, et les jambes se figent. Pourquoi ? A vrai dire, je ne sais pas
pourquoi, si ce n’est que nos pantalons collent aux genoux. Au bout d’un moment
nous refusons de prendre racine, et sommes récompensés de ce sursaut par une
accalmie ensoleillée.
Si nous n’avons plus la curiosité de regarder le ciel en fin
de journée, c’est que nous ahanons dans un magma de roches en éboulis où le
sentier zigzague et se perd. C'est notre énergie qui s'y perd !
C'est bien moi sur cette photo prise par Yvon.
En ce moment, le cirque des glaciers se dessine à nos yeux,
et nous faisons des constatations de géologues (j'occupe mon cerveau pour oublier le poids du
sac) : si nous nous fions au front des moraines, tous les glaciers ont considérablement
reculé !
Evidemment, aucun mètre carré horizontal et meuble n’attend
notre tente en cet endroit. Notre intuition nous pousse vers un surplomb sur le
flanc gauche, où le site idéal comble tous nos espoirs. A l'écart, abritée du vent
par une falaise d’éboulis, une esplanade circulaire de terre craquelée, laissée
là par une mare d’eau claire, nous offre un confort quatre
étoiles. De ce belvédère nous contemplons le panorama grandiose de dix glaciers
alignés. Je me persuade que nous y sommes les premiers campeurs depuis le pléistocène, le site est vierge. Et notre humanité fragile fait face aux forces explosives de la Nature.
Décidément, j'occupe encore mon cerveau.
Décidément, j'occupe encore mon cerveau.
Il y a de quoi rêver, mais nous ne pouvons chômer, la réalité nous rattrape :
après avoir monté la tente, nous nous acharnons à récolter, pour notre feu de
camp euphorisant, des racines sèches que nous arrachons à coups de pied. Nous
en remplirons… la chemise d’Yvon, et elles auront le mérite insigne de faire bouillir
assez d’eau pour une thermos de thé brûlant et deux plats (nombre exceptionnel) : spaghetti bolognaise, et crème
anglaise !!!.
A peine le soleil couché, nous allons nous endormir
emmitouflés.
Nous sommes sous le col, à
3647 mètres d'altitude.
Tous ces chiffres si précis sont dus à Yvon, ça va de soi.
Je me demandais effectivement ou vous trouviez votre combustible au dessus de 2000m (plus trop d'arbres).
RépondreSupprimerIl semble qu'il ne faisait pas très chaud le soir si il fallait même sortir les gants.