... TORRENT, LAC, et PLUIE
Peu après l’aurore comme prévu, nous franchissons, sans corde et sans perdre l'équilibre, le torrent annoncé, et
nous ne mouillons que chaussures, chaussettes, et bas de pantalons. Nous ne sommes pas des équilibristes aquatiques : c'est sans doute que le glacier n'a pas du tout fondu pendant la nuit.
Le charriot ne roulera pas sur ce terrain d'éboulis, et après une
tentative de portage à deux, en brancard, Yvon se résout à le mettre sur son
dos, malgré son poids (25 kg !).
Le dénivelé abrupt coupe le souffle, sous un ciel
noir quand le tonnerre gronde.
Une fois franchis ces 900
mètres, presque à pic entre deux courbes de niveau, s'offre alors à nos yeux un petit lac turquoise, dont l’opacité
contraste avec la fragilité des épilobes roses de la berge. Sous une éclaircie, c'est un cadeau du ciel. La palette incite au
plongeon, la tentation est grande, l’occasion trop belle pour délasser
mes clavicules, je n’hésite pas une seconde. Le lac s’avère profond et je perds
pied immédiatement. Après quelques brasses, j’en sors réinitialisé. On peut dire
ça comme ça, quand le thermomètre affiche 7° Celsius. Yvon croit qu'il ne l'a pas laissé assez longtemps dans l'eau, car demain il n'atteindra pas 5° !
J’en conclus que cette eau est lustrale, et je scrute la
surface pour voir si mon âme y plane (si elle existe)... N’attachez pas trop d’importance, hors contexte,
à cette dernière phrase.
Malgré la pluie qui menace, et le feu qui se fait prier, la
petite vallée qui nous accueille est très hospitalière, toute entière tapissée de
géraniums sauvages, et à l'abri d'un rocher elle offre un cocon protecteur à
notre tente.
Prenez patience, nous allons mieux découvrir le pays dès que nous atteindrons les hauts pâturages, et les nomades qui y vivent. Il suffit de franchir le col qui nous en sépare, nous y serons après-demain. En attendant, faute de mieux, nous sommes, Yvon et moi, le sujet du récit !
une petite baignade en Bretagne en rentrant te fera l'effet d'un bain corse.
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