vendredi 17 août 2012

17 : IA GOVORIOU

... PO FRANTSOUZSKY

Nous comprenons vite qu’Yvon va souffrir le martyre avec son charriot qui nécessite une traction puissante en ascension, et bute sur le moindre obstacle. Pour le laisser suivre son rythme, je pars devant et devrai l’attendre d’heure en heure. 
C’est une mauvaise idée :
A la première escale, dans les méandres de la rivière élargie où les arbustes croissent, il serait passé sans que nous nous voyions si je n’avais surpris son chapeau à travers la végétation. J’étais bien occupé à me gaver de cassis sauvage, qui est une spécialité du pays, fournit en confiture toutes les tables gourmandes, et requinque le randonneur (c'est moi). Les taches sur ma chemise vont trahir ma gourmandise !

 La cueillette du cassis

     A la seconde escale, alors que je suis fasciné par mon premier troupeau de chevaux en liberté, je le vois arriver au loin, faire des allers et retours entre sa brouette et la rivière sur laquelle il se penche, perdre un temps infini sans raison, puis rebrousser chemin brusquement en abandonnant le charriot ! Trois hypothèses me viennent à l’esprit :
Il a perdu sa gourde sur le sentier (mais il n'aurait pas attendu si longtemps pour y retourner).
Ce n'est pas lui que j'ai aperçu, mais un voleur de charriot, et il est occis dans un fourré.
Il est furieux contre sa brouette et il laisse tout tomber...
Je plonge dans l’anxiété : sur son charriot, aucun mot d’explication. J’ai la tente, son duvet et la nourriture : cela signifie qu’il n’a rien, et la nuit va tomber ! J’abandonne tout, et pars en courant à sa poursuite. Je le retrouve, ouf !
Solution de l’énigme : Il ne m’avait pas reconnu au milieu des chevaux, et pensait m’avoir dépassé. Dorénavant, nous resterons en vue l'un de l'autre…

Les petits chevaux kirghizes sont très élégants, très fins et très brillants au soleil

Nous allons camper là, et rapidement le feu crépite, quand deux cavaliers russes en treillis militaire, armés jusqu’aux dents, se dirigent vers nous avec leur air martial. Courageusement, par "politesse prudente", nous faisons quelques pas vers eux en souriant de toutes nos dents, avec en tête le souvenir des contrôles musclés de l’Iran et des contrôles détrousseurs du Tadjikistan. La "politesse prudente" est une attitude raisonnée, volontaire et acculée qui a pour ambition de désamorcer les tensions...
Pas trop farauds, nous entamons une conversation, pleine d'amabilités forcément sous-entendues : « priviet ! ia nié govariou po roussky, ia frantsouz, moui dodo palatka… »
Bonjour ! Je ne parle pas russe, je suis français, nous dodo tente…
Et ça, ça détend l’atmosphère de suite. Nous comprenons alors qu’ils sont chasseurs, civils, curieux, et les voilà qui posent pour notre album de photos, preuve d’une grande honnêteté. En quoi est-ce une preuve ? Mais, parce que les malintentionnés n’aiment pas trop les photos qui les identifient. Nous réaliserons vite, avec grand plaisir, que ce pays est celui de l'accueil bon enfant.




Après le dîner, par défi et esprit de revanche, je pars récolter cette rhubarbe rouge qui m’avait nargué au bord du lac Khavraz quand j’étais affamé sans casserole : je cueille, j’épluche, je coupe en dés, je mets à cuire dans l’eau bouillante avec le sucre de Rossiya airlines, et nous dégustons !  Euh… je déguste, et Yvon dit que c’est mangeable…  
Moi, je suis ravi de ma prouesse !



2 commentaires:

  1. Mais, pour la rhubarbe, il n'y a pas vraiment besoin d'eau. Elle en contient déjà tellement.
    Ca a du faire une soupe.
    Et bravo pour le cuisinier, car rien qu'à la voir, on en mangerait !

    Cathy

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    1. Oui, oui, il y avait trop d'eau. Je m'attendais à ce qu'elle s'évapore en bouillant longtemps. Longtemps, car les tiges paraissaient un peu ligneuses

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