A l’embranchement vers Min Kouch, nous allons quitter la
Kökönieren, que nous avons suivie pendant 65 kilomètres. Nous espérons que le trafic
des camions sera moindre. Nous avons constaté de nos yeux que ces camions sont bel et bien chargés de charbon
en quittant la montagne, et reviennent vides. Les mines sont donc des mines de charbon, et non d'uranium ! Nous apprendrons que le charbon n'est pas "mûr", de piètre qualité, tout comme l'uranium qui s’extrayait en fait loin de là, au sud du lac Yssyk Koul.
A la hauteur du pont que nous n’empruntons pas, un camion dépose
deux hommes qui vont nous accompagner jusqu’à Sary Boulung, à 2 km. Le plus
jeune, très typé asiatique, porte sur son crâne tondu un calot rond ajusté, d’où
sortent des favoris longs et maigres comme sa barbichette. J’y vois la pilosité
emblématique des chinois de bande dessinée, et je suppose qu’il est dungan. Les
dungans sont les chinois musulmans du Turkestan occidental, et forment une minorité de 60.000 membres en
Kirghizie. Celui-là, serviable et joueur, se mue en coolie pour Yvon, et
s’attelle au chariot. Il galope sur la piste pendant que mon sac continue à
m’écraser dans l’indifférence générale…
A la recherche de pain, nos nouveaux amis nous mènent chez un magasinier
qui n’a rien à vendre, et ce sont des gamins attentifs à notre équipage qui
courent chez eux pour nous en offrir un. Une petite jeune femme toute mignonne, accompagnée de sa fillette de deux ans,
nous convie alors chez elle pour le thé.
Sa maison est pour le moins fruste,
avec deux petites pièces et une fenêtre. Si nous étions kirghizes, vous allez vite comprendre pourquoi nous choisirions de vivre dans une yourte quand vous aurez visité les maisons où nous avons été invités si gentiment. Elle nous reçoit dans la première pièce sur
une table basse, entre le poêle, l’évier, le réfrigérateur, et un poster fluorescent de l'Alhambra.
Le poêle
Il n'y a pas d'eau courante, et les éviers sont surmontés d'un réservoir rempli quotidiennement.
Mais il y a l'électricité pour le réfrigérateur
Son mari passe en coup de vent, en riant bien sûr, et nous
laisse seuls avec elle sans souci.
J’avais constaté dans le Pamir l’influence de la civilisation soviétique sur le
statut des femmes : quelle différence de part et d’autre de la frontière
tadjiko-afghane ! De plus, dans la société kirghize, la parité était déjà réelle
sans répartition sexiste du travail, et l’introduction tardive de l’Islam dans une société de tradition chamanique a
laissé peu de place au fondamentalisme jusqu’à présent.
Koliza parle un
peu anglais, et nous nous amusons à traduire le « menu » qui nous est offert, ainsi que les liens de parenté sur nos photos de famille. Nos photos sont un préambule pour toutes nos conversations, et il faudra que je vous les montre.
Nous nous rassasions de thé sucré, pain, beurre liquide, pommes
et pastèque.
A la sortie les voisins nous font goûter le maksoum,
breuvage fade, peu engageant, de couleur crème. Il faut le boire d’un trait par
demi-litre au moins. Nous doutons d’avoir bien compris sa nature, mais elle
nous sera confirmée : du pain écrasé dans de l’eau, c’est tout !
Pour ceux qui veulent faire des recherches sur cette boisson prisée, vendue dans les bazars,
voilà l'orthographe qui ne suit pas la prononciation.
En montant vers Min Kouch, nous sommes attirés par une
passerelle qui nous permettrait de dormir tranquilles sur l’autre rive.
Passerelle signifie maison, et nous allons y quêter l’autorisation de camper et
de faire du feu. J’insiste pour montrer le lieu de notre choix au propriétaire, qui
abandonne à Yvon son petit-fils, pas du tout rassuré, pendant ce temps.
Il
m’incite à consommer des baies bleues, qu’il nomme berbéris. L’arbuste ne
ressemble pourtant ni à nos propres berbéris, ni à l’épine-vinette iranienne.
Mais nous apprécions son goût un peu acidulé.
Ce grand-père souffre d’une maladie de Recklinghausen.
Ce n'est pas plus mal que la photo soit floue...
Ce n'est pas plus mal que la photo soit floue...
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