dimanche 26 août 2012

26 : N'EST-CE QU'UN LÉGUME ?

NON !







Entre Kyzyl-Oï et Aral, la vallée de la Kökönieren fait la joie des géologues. Nous rencontrons une première équipe internationale d’étudiants qui découvrent les sites, livres et photos à l'appui, avec un professeur américain. Plus loin, une seconde équipe, russe, plus terre-à-terre, est occupée à des prélèvements dans les falaises rouges. Pour nous, la vallée est surtout spectaculaire et colorée.


Petit test pour vous : qu'allons-nous faire ici, à votre avis ?

Ce coude de la rivière, offre une vraie plage de sable fin inattendue, où le courant est bien atténué. C’est le coin idéal pour se baigner, désert à cette heure, mais certainement réputé dans la région si l’on en croit les déchets abandonnés. Eh bien, pour nous qui voulons nous distinguer, il manque un peu de piment, nous faisons la fine bouche, et nous ne mettons pas un pied dans l’eau malgré l’invitation du soleil.



Au bord des pistes, nous rencontrons fréquemment des tombes isolées, et nous imaginons des accidents. Comme dans les cimetières, nous y voyons la photo de la victime. Ici, Pavel, bon chrétien orthodoxe de 55 ans, qui portait une chemise à carreaux sans cravate sous sa veste à revers, a perdu la vie en 1980. En novembre la piste est certainement verglacée, et il est peut-être mort de froid dans la rivière, après un tête-à-queue. Requiescat in pace.

A Aral, sur le banc d’un abribus qui lui tourne le dos, nous attendons l'ouverture du magasin. Elle nous a été promise d’ici dix minutes par les gars qui traversaient la rue avec leurs fourches. Nous ne sommes pas sûrs d’avoir bien compris, mais l’un d’entre eux semble parti à la recherche de la marchande, qui serait allée boire son thé. L'interprétation est peut-être trop optimiste, mais non, nous avions tout saisi correctement, la voilà qui arrive. Pourtant j'ai bien vu qu'il manquait une demi-dent à l'une des fourches, et ça ne m'inspirait pas tellement confiance.


Comme ici, le décor de l'abribus est  souvent traditionnel, mais il sera parfois plus idéologique, et on y trouvera encore des faucilles et des marteaux, ou des colombes de la paix. Derrière l'abribus, en agrandissant la photo on peut lire "magazin" à gauche et "benzin" à droite. L'essence est curieusement vendue un peu n'importe où, car il y a peu de stations-service en dehors des villes : ainsi les particuliers proposent eux aussi la " бензин " sur un petit écriteau fixé à leur clôture.

Hélas, à première vue le magasin est démuni de l’essentiel. Comme toujours il regorge de bonbons et de petits gâteaux qui occupent des rayonnages entiers, mais nous n’y trouvons ni pain, ni raisins ou abricots secs qui sont notre manne.
Seul miracle : des piles électriques pour lampe frontale !
Mais en cherchant jusque dans la réserve il y a des carottes… c'est un légume qu’il semble inhabituel d’acheter quatre par quatre. Ben, nous, c’est quatre, on en veut quatre ! Et nous voilà qui insistons avec les doigts d’une seule main : une, deux, trois, quatre ! Nous sommes butés, et n'en démordons pas. Il y a un peu de fatalisme dans l'air, et nous en aurons bel et bien quatre. Yvon déniche aussi un sac de cacahuètes.
Par pudeur, j’ai omis de mentionner l’achat de « notre bière »… « Notre bière » est LA bière nationale, et franchement, je n’aurai pas grand mérite à y renoncer rapidement. Nous buvons celle-là sur les marches extérieures du magasin. 

наше пиво = naché pivo = notre bière

Ce soir et demain, nous allons suivre une piste en cul-de-sac, qui continue à longer la rivière Kökönieren, et dessert le village minier de Min-Kouch. Les premiers kilomètres sont ombragés et le chariot roule sur du velours, mais le trafic des camions qui descendent des mines soulève une poussière désagréable. Par prudence nous masquons nos nez autant que possible, car, souvenez-vous du chapitre 12, nous approchons du tchernobyl local, et nous ne voulons pas inhaler de "particules" !



A distance suffisante de la piste, voilà le site idéal pour dormir, au-dessus de la rivière, dans un petit bois où les buissons bas sont couverts de baies orange. Encore une fois, un feu d’enfer occupe notre soirée.       

 

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