mardi 21 août 2012

21 : ENFIN, UN BOL

DE KOUMIS !




Pendant la nuit glaciale sous les étoiles, des chevaux sont venus "ronfler" près de la tente. Le cavalier, sorti de nulle part, que nous allons croiser vient les chercher.  Il est certainement très aimable, mais reste muet, et notre vocabulaire ne s’est pas encore enrichi. Faute de mieux, après nous être serré la main et avoir balbutié, je flatte l’encolure de son cheval. J'espère que c’est une preuve de civilité.  



A bonne distance de la piste déserte que nous avons rejointe en passant un gué, nous apercevons notre première yourte. La curiosité nous pousse à faire un détour vers elle. Bien sûr, se diriger droit sur une yourte, provoquer l’aboiement des chiens, afficher un sourire, et dire « priviet ! » ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre à ses occupants : les voilà plus ou moins dans l’obligation de nous accueillir. Mais c’est notre première yourte ! Nous avons quelque excuse… quoique nous n’ayons aucune façon de le faire comprendre.


Les chiens qui aboient, et qui nous inquiètent encore, sont prestement attachés par des enfants. Cette inquiétude ne durera pas car les chiens kirghizes seront tous aussi gentils que leurs propriétaires. Et c’est notre cavalier qui nous accueille. Sa femme nous invite à entrer, car la table est déjà mise pour un festin ! Apparemment pour nous seuls ! Sachez dès à présent que la table des yourtes est toujours une table basse devant laquelle on s’accroupit. Je vais consacrer le prochain chapitre aux yourtes pour que vous vous y sentiez comme chez vous, et ne fassiez pas d'impair. 


Devant nous, des beignets moelleux, des crêpes pliées, du beurre, de la confiture d’abricot, de petites boules de fromage sec, du tchaï-moloko (le thé au lait), et un gigantesque bol de koumis.
C’est le baptême du feu !!!
Le koumis est en effet la boisson favorite des nomades, qui lui attribuent de multiples qualités thérapeutiques, mais qui a la réputation d’être peu digeste pour les estomacs occidentaux. C’est du lait de jument fermenté. Depuis le début du printemps, ce lait fermente dans une peau de mouton enfumée qui fait outre.  Dans cette outre, il est battu quotidiennement avec un pilon qui s’appelle pichkek. Le lait de jument fermenté est à la fois lacté (on s’en serait douté), aigre, acide, presque pétillant, et alcoolisé. Faiblement mais suffisamment alcoolisé (4 à 7°) pour me faire tourner la tête après un litre (je ne suis pas une référence, je sais). Il faut dire qu’il se boit par unité d’un demi-litre pour le moins. Nous sommes très civilisés, et nous buvons notre koumis sans faire la grimace. Non seulement ce n’est pas trop mauvais, mais Yvon en raffole d’emblée, et en fera une consommation immodérée. Il n’est pourtant pas tout à fait kirghize car il déteste les petites boules de fromage salé et dur, faites de lait caillé desséché, qui se nomment kourouts, et c’est moi qui les grignoterai volontiers. Nous ferons ainsi bonne figure dans les yourtes : à lui le koumis, à moi les kourouts.


Nos hôtes sont très gais, et la maîtresse de maison s’esclaffe quand je demande une photo « dents apparentes » pour dévoiler sa dentition dorée. Vous verrez cela plus tard. Il faut savoir que les photos se prennent toujours avec beaucoup de sérieux dans ces pays, et nous, notre pari, ce sera d’obtenir un grand sourire spontané pour faire de la pub dans le cabinet d’Yvon !


Nous ne savons pas encore dire "jument", ni "vache", ni "brebis", et pour nous faire comprendre d’où vient le lait, nous sommes conviés à la traite. Nous sommes seulement spectateurs. Mais ensuite, sans préavis, nous est attribué un rôle d’acteur : il faut monter sur les juments (ni sur les vaches, ni sur les brebis). Cela ne m’est arrivé qu’une seule fois, dans les Côtes d’Armor où je suis né, et je n’avais pas été faraud. Eh bien, en Kirghizie, c’est beaucoup plus facile, pour la simple raison que les chevaux sont petits, et ceux que je vais monter seront toujours calmes. Et moi, je suis tranquille sur leur dos, vous verrez cela aussi.


Rien à faire pour laisser un billet aux enfants, il n’en est pas question. Une petite barre de pâte d’amande tout au plus.  Dosvidaniya, spassibo, bolchoié spassibo, grand sourire, main sur le cœur, coup de chapeau, ce sont les adieux. Quel accueil ! Nous partons avec deux litres de koumis, deux pains et cinq fromages ! Nous sommes radieux, les futures rencontres sont prometteuses.

Plus loin sur la rivière, nous assistons à la pêche aux petits poissons que nous verrons sécher sur un fil. Un filet rectangulaire, tendu entre deux bâtons, est maintenu par deux hommes en travers de la rivière, pendant que deux chevaux excités par leurs cavaliers rabattent le poisson en cavalcadant dans l’eau, à grand renfort d’aboiements et d’éclaboussures. Oui, les chiens participent à la pêche avec entrain : ils récoltent les trop petites prises. 


Aujourd'hui, nous avons enfin rencontré les habitants du pays, hors des sentiers battus. Nous sommes ravis, nous ne pouvions rêver mieux. Jour après jour, nous allons apprendre à vivre avec eux.



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