mardi 28 août 2012

28 : AVANT ET APRÈS LA PRIÈRE

COURIR DERRIÈRE SOUIOUMBEK 





Le village minier de Min Kouch est un village étagé sur cinq niveaux, très distants les uns des autres, qui vont nous demander un gros effort ascensionnel. Son harmonie architecturale séduisante date de l’ère soviétique : toutes les maisons de bois sont peintes en bleu ciel, et leur taille diminue avec l’altitude. La peinture est défraîchie, mais reste suffisamment apparente pour planter le décor.


 Je vous ai appris à lire бензин : ici l'essence est à 43 soms le litre


Le niveau 2, où nous arrivons, est bâti de petits immeubles collectifs comptant huit appartements, nichés sous les arbres. Au-dessus la taille des immeubles décroît, et les maisons individuelles apparaissent. Enfin, à hauteur des mines, les petites bicoques sont très modestes.

Le niveau 5


Nous avons rencontré l’institutrice qui nous a menés chez une habitante du niveau 2, afin d'acheter un pain et des beignets pour 20 soms. Malheureusement, j’ai dû attendre sur le palier et n’ai pas été convié à pénétrer dans l’appartement que j’aurais bien voulu explorer : la porte s’est à peine entrebâillée, sans permettre le moindre coup d’œil.
Par contre, nous sommes entrés dans le magasin qui a gardé la prestance architecturale des bâtiments soviétiques, avec ses trois arcades en façade, et son perron de huit marches. L’intérieur, assez vaste pour abriter une salle de bal, offre des rayonnages où nous trouvons la bière « naturelle » la plus luxueuse du pays, et des sardines qui se révèleront moins raffinées.


 
Nous avons pris l'habitude de consommer nos bières sur place.
La commerçante n'y trouve rien à redire, au contraire, et me fournit un verre.
 A ses yeux, nous faisons probablement figure d'ascètes en nous abstenant de vodka...


A nos questions pour accéder au sentier qui va nous permettre d’atteindre le lac Song Koul, en trois ou quatre jours de marche à travers la montagne, un homme répond qu’il va nous y conduire. Il porte un calot tricoté, ajusté sur son crâne rasé, et une longue barbe inhabituelle. Nous sommes un peu sur nos gardes, car deux messieurs, peut-être ivres mais assez concients pour vouloir encore boire avec nous, supposent que ce guide va nous mettre une balle dans la tête. Influençables comme nous sommes, nous voilà un peu réticents pour le suivre en pleine nature, mais il est obstiné et nous partons ensemble tous les trois.
Sa vigueur (oui, en plus il est très vigoureux !) lui permet un bon pas qui convient mal à la brouette. Nous sommes trop lents, et l'appel du muezzin l'incite à aller prier à la mosquée :
" Ça ne prendra pas plus de dix minutes et il nous rattrapera plus haut ".   
Ben oui, en plus, il est peut-être fondamentaliste, ce qui est rarissime ici !
Et quand il n’accepte que trois cacahuètes au moment de grignoter, sans boire ni eau ni vodka (la vodka, jamais !), je comprends qu’il jeûne en ce mois de ramadan.
Qu’en penser ?... S’il vit sous le regard d’Allah, c'est sans doute un saint homme, mais s’il fait des entorses au ramadan avec trois cacahuètes, c’est qu’il se permet un peu de libre arbitre. Finalement nous sommes assez insouciants pour supposer que sa marge de manœuvre ne va pas jusqu'à gâcher des munitions. 
En fait, il nous donnera quelques remords d'avoir été suspicieux, car il nous conduira au-delà de son propre but, nous fera un dessin très consciencieux pour notre itinéraire, et n'acceptera pas le moindre dédommagement pour sa peine : c'est « un vrai musulman ». Et vous n’aurez donc qu’une photo de dos. Il s’appelle Суюмбек, qui se prononce Souioumbek.


 
Et il aide Yvon !



Avec lui, nous avons traversé les mines de charbon à ciel ouvert, qui ont saccagé le paysage dévasté par des remblais monstrueux et des excavations béantes. Mais les couleurs sont belles entre le noir du charbon, le rouge de la terre, le blanc des remblais et même le bleu irréel des lacs artificiels.





Nous atteignons un pâturage plus paisible, où les bergers sont occupés à marquer moutons et chèvres à la peinture rouge vermillon. L’enclos est peuplé d’environ deux cents bêtes. Nous allons nous installer à la porte de leur cabane, fourbus d’avoir couru derrière Souioumbek pendant trois heures.




Au coucher du soleil, la température chute très brusquement.
Il me faut endosser tous mes vêtements, bonnet et gants compris.


 



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